Interféromètres suppresseurs quasi-achromatiques   

Le travail exposé dans cette page est le fruit d'une collaboration avec Didier Pelat

Un damier comme déphaseur quasi-achromatique

Partons d'une simple marche réfléchissante d’épaisseur e = n λo/4 :  marche
Elle produit, à la longueur d'onde λo, un déphasage entre les deux paliers de π  si n est impair et de 2π si n est pair

Considérons un interféromètre de base :
interferoNulleur


 
Remplaçons les miroirs de renvoi au centre du schéma par des miroirs-damiers qui ressembleraient à ceci :
damier
Et faisons en sorte  que les cellules soient d’épaisseur e = n λo/4 , avec  sur une voie  n  pair et sur l’autre voie n  impair.
Le déphasage entre  une cellule d'une voie et une cellule de l'autre voie est donc ainsi toujours (2k+1) π pour λ = λo. On obtient donc bien un interféromètre suppresseur.

Et pour  λ ≠  λo ?  Peut-on choisir la distribution des hauteurs des marches pour chercher, sinon à annuler, au moins à réduire très largement l’amplitude à la recombinaison ?

La réponse apportée par l'optique diophantienne est oui.

Ecrivons l'amplitude en sortie d’un damier :formule10  avec : formule11
Combinons maintenant les deux faisceaux issus des deux  miroirs-damiers : l'amplitude devient
formule12
Un développement limité autour de formule12bis   , supposé  petit devant 1, conduit à :
formule13
On constate que  les premiers termes s'annulent  si les nk et les mk (qui sont rappelons-le respectivement pairs et impairs) vérifient : formule14 jusqu'à une puissance O. Il reste un terme en  ϕ(O+1) qui devient très petit pour peu que O soit assez élevé. C'est bien le but recherché pour qu'un quasi-achromatisme soit atteint.

Nous revoilà donc à nouveau au coeur de la problématique diophantienne et du problème de  Prouhet-Tarry-Escott !

Cette fois-ci les nk et les mk ne sont pas contraints à être pris dans une suite régulièrement croissante d'entiers, comme dans le problème des interféromètres ultra-suppresseurs, mais simplement d'être respectivement pairs et impairs. En particulier , plusieurs éléments peuvent être identiques dans chaque sous-ensemble.
  
On montre qu'il y a bien des solutions, et qu'en fait  leur nombre croît très vite avec l’ordre considéré.
Par exemple pour l'ordre 2, on a la solution :  nk =1,3,3,3 et mk = 2,2,2,4.  On vérifie bien  que :
1+3+3+3 = 2+2+2+4 et 12+32+32+32 = 22+22+22+42

Parmi toutes les solutions, laquelle choisir et sur quels critères ?
De façon évidente, on doit avoir un même nombre de cellules sur chaque miroir.
On doit également avoir une certaine homogénéité de la distribution des marches pour éviter les monstres comme
{1,1,1,1,1,1,1,9} =2={4,6,6,0,0,0,0,0}  qui donnerait pour le premier miroir-damier un pic 9 sur une mare de 0 : ce n'est évidemment pas très souhaitable du point de vue de la réalisation des miroirs.

LA solution

LA solution, qui  dérive indirectement des relations de Prouhet, est telle que la distribution des hauteurs de marche suit les coefficients du binôme, i.e. le triangle de Pascal :

k :        0   1   2   3   4   5  …

Nk:      1   1
            1   2   1
            1   3   3   1
            1   4   6   4   1
            1   5  10 10  5  1
            1   N …  CNk    … CNN-1  1
Sur la première ligne figure les épaisseurs des marches (en unité de λo/4) et sur les autres lignes, dans la colonne correspondante, le nombre de cellules ayant cette épaisseur pour un ordre donné. On a fait figurer en rouge les cellules du miroir pair et en noir celles du miroir impair. 
On démontre sans trop de difficultés (lire l'annexe de l'article pour ceux qui sont intéressés) que cette solution satisfait bien au problème de Prouhet-Tarry-Escott.
Par exemple à l'ordre 3  : on vérifie bien que  {0,2,2,2,2,2,2, 4} =3={1,1,1,1,3,3,3,3}. On réalisera donc le miroir pair avec 1 cellule au niveau 0, 6 cellules d'épaisseur 2 et une cellule d'épaisseur 4, tandis que le miroir impair comportera 4 cellules d'épaisseur 1 et quatre cellules d'épaisseur 3.

Cette distribution a le mérite de donner la distribution la plus homogène et la plus ramassée : il n'y a pas d’écarts importants entre marches et toutes les épaisseurs entre 0 et N+1 sont utilisées.  

Distribution X,Y des cellules


On a défini le meilleur choix en z, mais comment distribuer les cellules dans le plan du miroir, c'est à dire en x,y ?
On peut considérer plusieurs critères :
Plusieurs distributions 2D donnent de bons résultats  : on en donne deux exemples ci-dessous. Le codage des couleurs correspond aux épaisseurs des deux miroirs représentés côte-à-côte.

distribution X,Y

Celà marche-t-il ?


Des simulations numériques ont été faites pour différentes configurations où on a fait varier le nombre de cellules des miroirs-damiers et leur répartition en X,Y. Sur les images ci-dessous, on montre deux exemples pour lesquels δλ/λo = 0.2, où une planète simulée, un million de fois plus faible que l'étoile, apparaît  au centre, tandis que la lumière stellaire est rejetée sur les côtés.
AvecSansPlanete

Les résultats quantitatifs des propriétés d'achromatisation sont résumés sur la figure suivante où sont portés en abcisse l'écart relatif en longueur d'onde (δλ/λo) et en ordonnées le log décimal du gain sur le contraste de la planète à l'étoile.
perfsAchro64x64

On constate que pour deux  méthodes en particulier, on est très largement au dessus des spécifications d'une expérience comme DARWIN qui réclame un gain de  106  sur une bande spectrale large. Par exemple si λo= 10 µm, alors la bande où cette spécification est atteinte va de  6 à 12.5 µm.  Avec deux dispositifs on pourrait couvrir toute la bande de 6 à 18 µm.

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