Quelques relations entre puissances de nombres
entiers
Le triangle
égyptien et ses avatars :
- Pour tracer au sol les contours à
angles droits
des murs
des bâtiments à ériger, les anciens
égyptiens utilisent une corde refermée sur
elle-même et sur laquelle 12 segments équidistants
sont
marqués, par exemple par des nœuds qu’on
numérotera 1, 2, 3, .., 12 . Si on cherche à
former un
triangle en tendant la corde entre les points 1, 4 et 8, en
créant donc des segments de longueur a = 3, b = 4 et c = 5,
on
obtient nécessairement un triangle rectangle. Il satisfait
en
effet bien au théorème de Pythagore : a2
+ b2 = c2 car on a bien
l’égalité diophantienne 32
+ 42 = 9 + 16 = 25 = 52

- D’autres triangles
rectangles dont les
côtés
ont des longueurs multiples entiers d’un segment unitaire
existent ; par exemple [5, 12, 13]. Il y a une
infinité de tels triangles puisqu'il suffit de multiplier
n'importe quelle solution par N pour en trouver une nouvelle ;
cependant ces
solutions sont en fait beaucoup plus
nombreuses qu'on ne le pense en général : par exemple si
on considère tous
les
triangles rectangles de côtés entiers et dont
l'hypoténuse est égale à un
entier compris entre 5 et 5000, on trouve 5677 triplets d'entiers qui
satisfont la condition de Pythagore.
- Certaines valeurs d'hypoténuse
donnent
lieu à plusieurs solutions. En particulier c = 1105
donnent 13 (!) solutions de couples (a,b) satisfaisant a2
+ b2 = c2 :
(817, 744) ; (855, 700) ; (884, 663) ; (943, 576) ; (952, 561) ; (975,
520) ; (1001, 468) ; (1020, 425) ; (1071, 272) ; (1073, 264) ; (1092,
169) ; (1100, 105) ; (1104, 47). Chaque couple correspond à
un point de coordonnées cartésiennes (a,b) sur le cercle
de rayon c. Les points de coordonnées (-a,b), (a,-b), (-a,-b),
(b,a), (-b,a), (b,-a) et (-b,-a) sont également sur le cercle :
cela signifie que 13 x 8 = 104
points du cercle de rayon 1105 possèdent des coordonnées
entières : plus vraiment besoin de compas pour tracer ce cercle
! c = 5525, qui n'est autre que 1105 x 5
correspond à 22 couples, c'est-à-dire qu'aux 13
trouvés pour c = 1105 se sont rajoutés 9 couples
nouveaux. Pour c = 27625, c'est 31 couples et pour c =
32045, 40885, 45305 et bien
d'autres,
c'est 40 couples qui sont trouvés ! Mieux : pour 49 valeurs de
l'hypoténuse inférieures à ou de l'ordre de un
million (par ex : 160225, 292825, 806650, 1000025) on trouve 67
couples. Et enfin (pour cette rubrique, mais il n'y a probablement pas
de limite), pour l'hypothénuse c = 1022125, on trouve 94
couples (a,b). En somme (de
carrés...), des nombres très
diophantiens !
Le problème de Prouhet-Tarry-Escott
- Ce problème s’énonce
ainsi
: peut-on trouver 2 ensembles {a1,…,an}
et {b1,…,bn}
d’entiers tels que
a1m +…+ anm
= b1m +…+ bnm
pour m = 1,…,k ?
En abrégé, le problème est
noté : {ai}=k=
{bi} et les solutions sont appelées multigrades
- Le problème possède bien
des
solutions et, par exemple, Euler et Goldbach montrent en 1750 que
{a, b, c, a+b+c} =2= {a+b,
b+c, c+a}
La suite de Prouhet-Thué-Morse
- Cette suite se construit très
simplement en
considérant 2 symboles complémentaires (par
exemple a et
b, ou + et -, ou 0 et 1). Etant donné le terme Sn,
on construit le terme Sn+1 en
concaténant au terme Sn son
complémentaire (a => b et b => a).
On part du premier terme de la suite: S0 =
a qui donne : S1 = ab, puis S2
= ab ba, et ainsi de suite :
S0 =
a
S1 = ab
S2
= ab ba
S3 = ab ba ba ab
S4 = ab ba ba ab ba ab ab ba
…..
En toute rigueur, nous avons ici plutôt décrit une
série. La suite infinie de P-T-M est la limite de Snquand
n tend vers l'infini .
- Cette suite possède les
propriétés de ne pas
être périodique (on ne trouve pas de motif qui se
répète régulièrement), de ne pas comporter
de séquence se répétant trois fois successivement
(elle est sans cubes) et
d’avoir un
caractère fractal. Elle est dotée d’un
véritable don d’ubiquité car elle
apparaît
dans de très nombreux problèmes qui
n’ont en
principe aucun points communs entre eux.
La suite de P-T-M et le
problème de P-T-E (et un saucisson convivial en prime...)
- Prouhet montre en 1851 (dans les Comptes
Rendus de l'Académie des Sciences) que cette suite - elle
n’a
alors bien
sûr pas ce nom - permet de construire une solution multigrade
au
problème de Prouhet-Tarry-Escott pour n = 2N
et k = N
- Cette solution consiste à
prendre pour
les ai les rangs des “a”
dans le terme d’ordre N de la série de P-T-M et
pour les bi les rangs des “b”
Ainsi le terme d’ordre 3 qui s'écrit
ab ba ba ab ba ab ab ba, donne :
{ai} = {1,4,6,7,10,11,13,16} et {bi}
= {2,3,5,8,9,12,14,15} et on vérifie bien que
{1,4,6,7,10,11,13,16} =3= {2,3,5,8,9,12,14,15}
autrement dit :
1 + 4 + 6 + 7
+ 10 +
11 + 13 + 16 =
2 +
3 + 5 + 8 +
9 + 12
+ 14 + 15
12 + 42 + 62
+ 72 + 102 + 112
+ 132 + 162 = 22
+ 32 + 52 + 82
+ 92 + 122 + 142
+ 152
13 + 43 + 63
+ 73 + 103 + 113
+ 133 + 163 = 23
+ 33 + 53 + 83
+ 93 + 123 + 143
+ 153
- C'est un résultat assez fascinant
quand on
réalise
que quelque soit k, on peut toujours trouver deux
ensembles
d'entiers, tous différents, tels que toutes les
sommes de
leurs éléments élevés
à une
puissance entre 0 et k soient égales.
- On aurait pu tout aussi bien faire
commencer la suite des entiers
non pas à 1 mais à une valeur quelconque J, car en effet
(J + i)k = Jk + k J(k-1) i +
k(k-1)/2 J(k-2) i2 + ... + ik
: on fait bien apparaître toutes les sommes ik ,
ik-1, ik-2 ,
etc. qui vérifient chacune la propriété de
Prouhet. La propriété de Prouhet est donc
invariante par translation.
- Une application originale est la découpe d'un saucisson
de la façon la plus égale possible entre deux
convives...
- Prouhet va plus loin : il montre que la
suite de mk
entiers qui se suivent peut être partitionnée en m
sous-ensemble {a1,i}, {a2,i},
…, {am,i} qui vérifient :
{a1,i} =k= {a2,i}
=k= … =k= {am,i}
C’est une suite de P-T-M
généralisée qui
permet de définir les sous-ensembles. Elle se construit en
appliquant la règle suivante : prendre le terme courant,
faire
subir à ses éléments toutes les
permutations
circulaires, les concaténer.
Ainsi si m = 3 :
abc => abc bca cab =>
abc bca cab bca cab
abc cab abc bca
On obtient alors le multigrade en considérant le terme
d’ordre k de cette suite, en prenant comme ai
les rangs des “a”, comme bi
les rangs des “b”, comme ci
les rangs des “c”, etc.
Soit pour l’exemple précédent :
{1,6,8,12,14,16,20,22,27} =2=
{2,4,9,10,15,17,21,23,25} =2=
{3,5,7,11,13,18,19,24,26}
- Du coup, la découpe
d'un saucisson de la façon la plus
égale entre k convives devient également
possible !
Un problème de Prouhet-Tarry-Escott avec contrainte
de parité
- La question posée est :
existe-t-il des solutions au
problème de Prouhet-Tarry-Escott telles que les entiers de
l'ensemble {a1,…,an} soient tous
pairs et ceux de l'ensemble {b1,…,bn}
impairs ?
On ne pose pas de conditions sur la redondance des
éléments : autrement dit un même entier peut
apparaître plusieurs fois.
La question n'est pas gratuite : y répondre permet de
résoudre de façon élégante un
problème d'optique
interférométrique.
- La réponse est oui et on
peut même comment
construire plusieurs solutions pour un ordre k donné. Il existe
en effet un théorème qui stipule que si on a une solution
au problème général de P-T-E pour le degré
k : {a1,…,an} =k= {b1,…,bn}
, alors pour le degré k+1, on a la solution :
{a1,…,an ,b1+M ,…,bn+M
} =k+1= {b1,…,bn, a1+M,…,an+M},
M étant un entier quelconque. Par conséquent, si on
a une solution respectant la condition de parité
souhaitée, alors il suffit de prendre M impair pour obtenir une
solution de degré k+1.
Par exemple la solution {0,2} =1= {1,1} de
degré 1 fournit la solution de degré 2 :
{0,2,2,2} =2= {1,1,1,3}, en ayant utilisé M=1.
On aurait pu tout aussi bien utiliser M=3 : {0,2,4,4} =2=
{1,1,3,5}.
- On note que si on choisit M=1, alors la
solution de degré
k est décrite par les coefficients du binôme (le triangle
de Pascal) :
n : 0
1 2
3 4
5 …
Nn : 1
1
1
2
1
1
3
3
1
1 4
6
4
1
1
5 10
10 5
1
1
k …
Ckn
… Ckk-1
1
Le coefficient du binômes Ckn
donne en effet le nombre de fois qu'apparaît l'entier n
dans l'un des deux sous-ensembles.
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